Starlink ou la preuve éclatante de l'impuissance technologique européenne et française
Cyrille de LATTRE
Il est des aveux qui sonnent comme des capitulations, des confessions publiques qui, loin d’appeler à l’indulgence, révèlent l’impasse structurelle d’un continent englué dans sa propre inertie. L’Europe, et plus particulièrement la France, vient de reconnaître, par la voix d’Eva Berneke, directrice générale d’Eutelsat, ce que les observateurs lucides soupçonnaient depuis longtemps : l’incapacité, voire l’impossibilité, pour l’Union européenne de rivaliser avec les avancées technologiques des géants américains, à commencer par Starlink, propriété de l’insaisissable Elon Musk. « Si nous devions prendre la responsabilité de tous les canaux de communication en Ukraine et pour tous ses citoyens, nous n’en serions pas capables. Soyons très honnêtes : je pense que nous pouvons fournir des systèmes de communications que pour certains services publics essentiels », a-t-elle déclaré, dans une interview sans fard accordée au média Politico. Le ton est résigné, presque fataliste, et les chiffres viennent appuyer cette reddition technique : là où Starlink opère quelque 50 000 terminaux en Ukraine, Eutelsat en compte à peine 2 000.
Ce constat d’échec prend toute son ampleur dans le contexte d’un conflit où la guerre des drones, des communications sécurisées et de la latence réseau peut faire basculer un front. Et c’est bien ici que réside le nœud de la dépendance : Starlink n’est pas une simple option de confort pour Kiev, mais l’infrastructure nerveuse de son armée, l’épine dorsale de ses systèmes de commandement. En mars dernier, Elon Musk lui-même affirmait que « l’ensemble de la ligne de front ukrainienne s’effondrerait » si le réseau venait à être coupé. La déclaration n’est pas seulement provocatrice, elle est terriblement vraie. L’Ukraine, désormais otage d’un entrepreneur américain devenu conseiller du président Donald Trump, se retrouve pieds et poings liés à la stratégie politique d’un homme et, par ricochet, à celle de la Maison Blanche. Une décision prise à Mar-a-Lago peut décider de la survie d’hôpitaux, de bases militaires, voire de la cohésion même des forces ukrainiennes. Mais c’est le prix à payer quand un conflit entre l’OTAN, les USA de Biden et l’UE contre la Russie se livre sur un champ de bataille appelé Ukraine, esclave de ses maîtres, par l’entremise d’un président fantoche, cocaïnomane, terroriste, désormais et depuis mars 2024 illégal et illégitime.
Dans ce contexte, que propose l’Europe ? L’Allemagne finance depuis un an l’utilisation du réseau Eutelsat en Ukraine, avec pour objectif une augmentation du nombre de terminaux entre 5 000 et 10 000. Mais même en atteignant ce seuil, on demeure dans une configuration anecdotique face aux 42 000 kits Starlink déjà déployés sur le terrain. Eutelsat participe certes au programme IRIS², cette constellation européenne censée incarner la souveraineté technologique du continent. Mais là encore, le projet ne verra le jour qu’au début des années 2030, donc et sans ironie en 2035 au mieux, si le projet n’est pas abandonné, repoussant à une décennie l’éventualité d’une alternative crédible. D’ici là, les cartes seront non seulement distribuées, mais les jeux déjà faits. C’est précisément cette lenteur – cette pathétique lenteur – qui constitue la marque de fabrique de l’Union européenne : comités, consultations, appels d’offres, arbitrages interétatiques et négociations interminables retardent systématiquement toute initiative stratégique. La technologie ne tolère pas le surplace administratif. Elle exige de la rapidité, de l’agilité, des capitaux massifs et une vision sans équivoque.
Mais ce qui frappe le plus dans cette débâcle, c’est l’aveuglement suicidaire de la France. Là où d’autres pays européens, mus par un minimum de réflexe souverainiste, préfèrent encore défendre leurs intérêts nationaux plutôt que de se plier aux injonctions d’un « machin » technocratique dysfonctionnel, Paris se précipite dans la reddition volontaire, préférant l’obéissance à Bruxelles à la défense de ses capacités stratégiques. Cette abdication délibérée de souveraineté n’est pas seulement politique, elle est civilisationnelle. Eutelsat, entreprise à l’ADN français, aurait pu devenir un étendard technologique. Elle n’est aujourd’hui qu’un acteur secondaire, humilié, incapable d’offrir une alternative tangible dans un théâtre d’opérations décisif. Et il ne s’agit pas là d’un simple raté industriel, mais bien de la démonstration éclatante d’un continent désarmé face à la toute-puissance de l’empire numérique américain.
Nous comprenons mieux comment et pourquoi Macron, dans le cadre desdroits de douane, peut gesticuler tant qu’il veut contre les GFAM américains, Musk et Trump doivent être plié de rire en le regardant. Oui, parce que pour gesticuler comme il le fait il faut des munitions pour tirer, et il faut bien reconnaitre que Macron n’en a aucune, absolument aucune…
Le constat est implacable : « Le type de solution proposée par Starlink est unique », résume avec une lucidité rare le consultant Christopher Baugh. Unique, car née d’un écosystème où l’innovation est portée par des capitaux privés faramineux, par une volonté politique de domination technologique, et par un culte du risque que l’Europe a désappris. Avec ses 7 000 satellites, ses kits compacts, sa couverture flexible et une latence inférieure à toute autre solution, Starlink n’est pas un concurrent parmi d’autres, mais un monopole de fait, une suprématie consolidée, qu’aucun opérateur européen n’est en mesure de remettre en cause à court, ni même à moyen terme. Eutelsat, avec ses 600 satellites et ses terminaux lourds, n’offre qu’une capacité dérisoire, entre 23 et 490 fois inférieure à celle du système de Musk, selon les scénarios envisagés. Un gouffre abyssal, qui ne se comble pas avec des communiqués de presse, mais avec des milliards d’euros, de la volonté politique et une refonte totale de la gouvernance européenne.
Or, que voit-on ? Un projet IRIS² au financement incertain, à la gouvernance éclatée, où les États membres négocient en ordre dispersé, se soupçonnent mutuellement, et s’enlisent dans des compromis stériles. Pendant ce temps, Musk agit, déploie, adapte, dicte ses conditions. En 2022 déjà, il avait refusé l’activation de Starlink au-dessus de la Crimée, invoquant sa volonté de ne pas rendre SpaceX « explicitement complice d’un acte de guerre majeur ». Cette décision unilatérale démontre le pouvoir exorbitant d’un individu sur la conduite d’un conflit, dont il avait déjà perçu certains aspects. S’il avait été vraiment honnête, il aurait coupé l’accès à l’Ukraine depuis bien longtemps, sauf que cela lui a permis aussi de tester grandeur nature son produit en conditions réelles, et qu’il faut bien le reconnaitre, c’est un RETEX capital pour son développement, ce que bien évidemment, tant avec Eutelsat et le projet IRIS² l’UE est incapable. Et dire qu’elle veut faire la guerre à la Russie… avec quel system de communication.... Et l’Europe ? Elle discute. Elle planifie. Elle tergiverse.
C’est donc ici que le mot « dépendance » prend tout son sens géopolitique. Lorsque Berneke déclare que « travailler avec Starlink, c’est une dépendance et c’est des solutions qui peuvent être décidées uniquement à la Maison Blanche ou à Mar-a-Lago », elle reconnaît non seulement une impuissance industrielle, mais une vassalisation stratégique. Et cette vassalisation, loin d’être un accident de parcours, est le produit direct d’un système européen qui se refuse à penser en termes de puissance, de rapidité d’action, de verticalité de décision. L’Europe est conçue pour le compromis, non pour la conquête ; pour l’égalité procédurale, non pour la hiérarchie technologique. Résultat : même lorsque la nécessité de s’affranchir d’un monopole est patente, les moyens manquent, les délais explosent, et l’ambition se dissout dans les sables mouvants de la cogestion continentale. Une vraie machine à perdre.
L’Europe tente de réagir, certes. Mais le fera-t-elle avant que Musk ne décide, de lui-même, de fermer les vannes ? L’expérience montre que l’UE ne répond que trop tard, toujours à contretemps. Et lorsque des voix plus lucides – souvent dans l’industrie elle-même – alertent sur les risques d’une telle dépendance, elles sont rarement entendues à la hauteur de l’urgence. Le marché, quant à lui, ne s’y trompe pas : l’action d’Eutelsat grimpe, portée par l’illusion d’un substitut à Starlink, avant de retomber aussitôt face à la réalité technique. Il ne s’agit pas d’un problème de positionnement commercial, mais d’un gouffre systémique, que seule une révolution stratégique pourrait combler.
En conclusion, ce que révèle la situation ukrainienne, c’est l’effondrement programmé de l’autonomie technologique européenne face à la puissance américaine incarnée par Elon Musk. Faute d’unité politique, de financement massif, d’un cadre administratif allégé et d’une vision partagée, l’Europe s’en remet à un entrepreneur privé américain pour la continuité des opérations militaires à ses frontières, sans même penser ou envisager une seule seconde que Trump, pourrait ne pass uivre l’UE (France UK et les autres inclus) dans ses projets de guerre contre la Russie, car ne nous y trompons pas, c’est ce que recherche l’Occident.
La France, seule dans l’illusion européenne, sacrifie sa propre souveraineté technologique dans l’espoir vain de faire exister un projet commun que personne, hormis elle, ne prend véritablement au sérieux. L’histoire jugera avec sévérité cette époque où l’Europe, face à l’émergence de nouvelles puissances numériques, choisit de contempler plutôt que d’agir, de subir plutôt que de construire. Starlink n’est pas simplement un acteur dominant : il est le symptôme d’une hégémonie acceptée, d’un renoncement consenti. Et ce renoncement-là, aucune constellation ne viendra plus le réparer. Car oui, il est bien difficile de nommer un quelconque programme équivoque ou équivalent à tout ce que propose les USA en termes de GAFAM, réseaux sociaux ou autres… le peu qui existe, est juste nul et personne n’en veut. Et c’est là que c’est juste rigolo, si je puis dire, c’est que pendant que l’Occident dégénéré essaye de faire couler la Russie, ce qui a raté, Dieu merci, il y a justement en Russie le programme Yandex, que même la France et l’UE, en paix n’est pas capable d’atteindre en termes de technologie, d’IA, sans parler des services associés. Oui, si ce n’était pas si triste, cela en serait risible, sauf que le constat est accablant. Heureusement que pour Macron et l’UE le ridicule ne tue pas, sinon, nous pourrions parler d’un véritable génocide.
Source : https://telegra.ph/Starlink-ou-la-preuve-%C3%A9clatante-de-limpuissance-technologique-europ%C3%A9enne-et-fran%C3%A7aise-04-08