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Signet Loupe

"Le projet de loi « séparatismes » « inspire une certaine tristesse et un sentiment d’inconfort »

     

    Je suis pas sûr d'avoir parfaitement compris mais je crois que ce texte est absolument intéressant

    "Le projet de loi « séparatismes » « inspire une certaine tristesse et un sentiment d’inconfort » selon la philosophe Ayyam Sureau

    Nous n’avions pas imaginé que des principes ancrés au plus profond de nous-mêmes, et qui sont à la source de la Constitution, auraient un jour besoin d’être confortés, se désole la philosophe dans une tribune au « Monde ».

    Tribune. Le projet de loi « confortant le respect des principes de la République » inspire une certaine tristesse et un sentiment d’inconfort. Après plusieurs changements de titre, un exposé des motifs plutôt bavard trahit encore la difficulté de traiter, dans un texte de portée générale, des menaces d’une idéologie particulière sans la nommer.

    L’islamisme progresse en France depuis les années 1980. Qu’il soit devenu urgent et indispensable, après quarante ans de compromissions, de renforcer par des lois explicites, des sanctions plus sévères, des mécanismes de contrôle plus efficaces, les manquements à des principes qui nous paraissaient aller de soi, personne ne peut encore en douter.

    Le projet de loi s’immisce dans la vie privée, abolit le droit ancien d’enseigner à ses enfants à domicile, invente la notion comique de vie « en état de polygamie », fait du « rejet de la haine » un principe républicain. Il y aurait beaucoup à dire et cependant on préférera se taire.

    La grande habileté de l’islamisme est d’attendre que la défense de ses intérêts coïncide avec celle des défenseurs de la liberté. C’est là notre faiblesse. Nos ennemis l’ont repérée depuis longtemps. Ils nous prennent à revers, nous obligeant à admettre des restrictions à nos propres libertés pour les priver de celle de nous détruire. Est-ce si difficile de leur dire que la liberté, telle qu’elle est individuellement aimée, constitutionnellement garantie et politiquement espérée en France, a fort peu à voir avec celle qu’ils revendiquent ?

    Le « contrat » n’a rien à faire ici
    D’où viennent la tristesse et l’inconfort ? La tristesse de ce que nous n’avions pas imaginé que des principes, ancrés au plus profond de nous-mêmes et qui sont à la source de la Constitution, auraient un jour besoin d’être confortés. L’on s’adresse aux Français comme à un peuple à qui on imposerait, pour le rendre meilleur, des lois étrangères à sa culture.

    Peut-on lire sans tristesse au sein d’un dispositif de lois françaises, au XXIe siècle, l’article consacré à l’interdiction de délivrer des certificats de virginité ? Cette intrusion de la loi entre les jambes des femmes est destinée à les protéger. On le sait, on y consent sans retenue. Une nausée nous envahit et l’on croit reconnaître l’étrange obscénité – dans le même temps émancipatrice et humiliante – du législateur colonial. Voilà pour la tristesse.

    Quant à l’inconfort, il provient pour l’essentiel du « contrat d’engagement républicain », introduit dans l’article 6. « Toute association désireuse d’obtenir une subvention s’engagera par un contrat d’engagement républicain, à respecter des principes et valeurs de la République, en particulier le respect de la dignité de la personne humaine, le principe d’égalité, notamment entre les femmes et les hommes, le principe de fraternité et le rejet de la haine ainsi que la sauvegarde de l’ordre public. » L’Etat soumettait déjà l’octroi d’un financement public à trois conditions : l’objet d’intérêt général, le fonctionnement démocratique et la transparence financière. Le projet de loi y ajoute la signature d’un contrat visant à obtenir le respect des principes républicains.

    La nouveauté ne réside pas dans le contenu des conditions imposées – depuis toujours – par l’Etat, mais dans la notion même de « contrat ». Si les mots signifient encore quelque chose, le « contrat » n’a rien à faire ici. L’Etat paraît négocier l’adhésion aux principes qui inspirent la loi alors même qu’il a l’obligation de les faire respecter. Qu’en est-il des associations qui ne sont pas subventionnées – c’est-à-dire la très grande majorité d’entre elles ? Resteront-elles libres de bafouer les principes si elles n’ont pas signé ?

    Mais on se demande surtout s’il est acceptable que l’Etat puisse disposer de ces principes comme de la matière d’un contrat. L’Etat, l’ensemble des institutions qui le constituent, est mandaté par la Nation pour défendre les principes de la République. En serait-il devenu le propriétaire ?

    « Ceux qui sont visés par le projet de loi n’en seront pas plus affectés qu’auparavant »

    Avec ce contrat, le projet de loi inverse les rôles. Il considère l’Etat comme le détenteur de principes auxquels les citoyens doivent se soumettre. Il est, à l’évidence, à la fois constitutionnellement contestable et politiquement blâmable d’ériger « la sauvegarde de l’ordre public », avec tout le vague que cette notion comporte, en principe de même nature, par exemple, que l’égalité des hommes et des femmes.

    La liberté des citoyens, de contester, d’imaginer, de créer, d’agir, de s’associer – sans laquelle la République ne serait qu’un corps inerte – suppose un engagement et une responsabilité personnelle, un désir de servir l’intérêt général qui puise sa légitimité ailleurs que dans la soumission à l’autorité administrative.

    Perte d’honneur et de liberté
    Si la République avance peu à peu vers ce que Hugo appelait « plus de civilisation », si elle a cessé de torturer, si elle a aboli le bagne et la peine de mort, si elle continue de combattre les discriminations, de corriger les injustices, elle le fait parce que les citoyens libres, puisant dans les sources obscures de leur conscience, l’ont aidée à progresser dans la voie qu’elle a choisie. Quel autre motif y aurait-il à défendre la liberté de la presse et la liberté d’association si ce n’est que l’avenir de la République en dépend ? Celle-ci ne peut être que cette « promesse tenue d’avance » qui confie et garantit aux citoyens eux-mêmes la responsabilité de cette République à jamais perfectible et les moyens de l’assumer.

    Un « contrat » par lequel l’Etat obligerait les citoyens, et les associations qu’ils forment librement, à consentir aux principes qui les animent ? Non. Ceux qui sont visés par le projet de loi, et dont les comportements transgressent nos lois n’en seront pas plus affectés qu’auparavant. Ceux qui s’honorent d’être républicains seront obligés de reconnaître à l’Etat le pouvoir, c’est-à-dire à la fois l’autorité et la compétence, d’exiger l’adhésion à quelque principe que ce soit, fût-il le leur. Ils perdront alors, en s’engageant par avance à obéir à l’autorité administrative, la liberté et l’honneur de servir la République.

    Ayyam Sureau est philosophe. Elle a fondé, en 2008, l’Association Pierre Claver, pour l’intégration des réfugiés en France."


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