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Le véritable oppresseur de la femme n'est pas l'homme ni la société, mais la nature !

La rhétorique du féminisme de deuxième vague fit porter l'entière responsabilité de la condition de la femme aux hommes, et plus spécifiquement au "patriarcat", un terme rebattu et nébuleux qui peut bien s'appliquer à la Rome républicaine ou à l'Angleterre victorienne, mais qui est historiquement spécieux et qu'il faudrait abandonner. Le féminisme se concentrait exclusivement sur un mécanisme social externe à démolir ou à réformer. Il échoua ainsi à tenir compte du lien complexe des femmes à la nature, c'est à dire la procréation.

L'idéologie féministe n'a jamais traité honnêtement du rôle de la mère dans la vie humaine. Le portrait qu'elle dresse de l'histoire comme n'étant qu'oppression masculine et victimation féminine est une grosse déformation des faits. Il y eut une répartition rationnelle du travail, depuis l'époque des chasseurs-cueilleurs, qui ne vint pas du désir masculin de subjuguer et d'emprisonner la femme, mais du fardeau procréateur dont la nature a chargé celle-ci.

Notre véritable oppresseur n'est pas l'homme ni la société, mais la nature: l'impératif biologique que le féminisme de deuxième vague et les études de genre à l'université refusent toujours de reconnaître.

La théorie féministe s'est montrée grotesquement injuste envers les hommes en refusant de reconnaître l'importance des soins que la plupart d'entre eux ont consacrés aux femmes et aux enfants. Il a fait preuve de simplisme en alléguant que les archétypes féminins n'étaient que des mensonges créés par les hommes et motivés par leurs propres intérêts.
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Le féminisme considère toute hiérarchie comme répressive, une fiction sociale: chaque trait négatif de la femme serait un mensonge masculin conçu pour la garder à sa place. Le féminisme a dépassé sa juste mission de rechercher l'égalité politique pour les femmes et en est venu à rejeter la contingence, c'est à dire les limites humaines assorties à la nature ou au destin. Liberté sexuelle, émancipation sexuelle... Une illusion moderne. Nous sommes des animaux hiérarchiques. Chassez une hiérarchie et une autre prendra sa place, peut-être moins acceptable que la première...

Ni le sexe récréatif ni l'expansion des droits civiques des femmes ne risquent de résoudre le problème profond de l'intégration du corps et de l'esprit de l'homme. L'incarnation, c'est à dire la limitation de l'esprit par la matière, fait outrage à l'imagination. Tout aussi outrageant est le genre sexuel (gender), que n'avons pas choisi, mais que la nature nous a imposé. Notre matérialité est tourment; notre corps, l'arbre de la nature sur lequel William Blake nous voit crucifiés.
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Le féminisme orthodoxe a méprisé avec arrogance les mères au foyer.
La maternité est devenue secondaire en comparaison des ambitions professionnelles de la classe moyenne américaine. Or, au sein des sociétés plus traditionnelles ou religieuses, qui valorisent encore la maternité et la famille, et où la femme de carrière indépendante est moins typique ou admirée, le féminisme pourrait avoir une tout autre allure.

Le modèle d'affaires inventé en Europe du Nord après la révolution industrielle est efficace mais il est également vampirique. Trop nombreux sont ceux, hommes et femmes, qui ont naïvement confondu leur identité personnelle avec leur emploi. C'est un piège bourgeois et une déformation du sens ultime de la vie.
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A compter des années 1970, il y eut dans le féminisme des pressions irrationnelles invitant à nier que les différences sexuelles aient un quelconque fondement hormonal, un fantasme dénué de tout savoir scientifique qui continue de s’épanouir aujourd'hui dans le champ des études postmodernes de la culture.

Mais quelle sorte d'enseignement sur le sexe l'université peut-elle bien dispenser sans assise scientifique? - ce dont est entièrement dépourvue la majorité qui enseigne actuellement dans le champ des études féministes.

Après un quart de siècle dominé par l'idéologie du constructivisme social, qui prétend que nous naissons comme des pages blanches et que nous devenons hommes et femmes non pas sous l'autorité de la biologie, mais par l'action du conditionnement social ou des influences environnementales, j'ai essayé de remettre au programme féministe la nature qui en est la pièce manquante.

Dans "Sexual Personae", j'ai soutenu que la sexualité est l'intersection compliquée de la nature et de la culture et qu'il nous faut les comprendre toutes les deux afin de nous comprendre nous-mêmes.

De mon point de vue, des cours de biologie et d'endocrinologie auraient dû figurer obligatoirement au cursus de tous les programmes d'études féministes au pays. Les théories sur le sexe et le genre doivent s'amorcer sur cette base, même si l'on choisit plus tard de minimiser la biologie ou de la rejeter entièrement.

Plutôt que d'encourager le questionnement scientifique et la libre pensée, les programmes d'études féministes ont commencé de manière a priori, à partir d'une pensée politique préalablement cristallisée. Il n'était pas permis de dévier de la ligne de parti, selon laquelle toutes les differences sexuelles sont dues au patriarcat, avec son exclavage monolithique et ses abus des femmes par les hommes.
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Les universités nord-américaines sont devenues, décennie par décennie, des camps de rectitude politique. On se débarrassa de la moitié des classiques ainsi que des cours de panorama (désormais qualifié de "faux récit" par les béjaunes amateurs de la théorie). Le déclin continuel des programmes d'études en humanités est un signe incontestable que ce domaine autrefois noble n'est plus désormais qu'un champ de ruines.

Je m'inquiète beaucoup pour l’état des relations sexuelles en Amérique, et je tiens à avertir le monde qu'à l'heure où le féminisme prend une dimension internationale, il devrait éviter les erreurs du féminisme américain. Les universités ont vu sur leurs campus la désastreuse institutionnalisation du féminisme, où il est devenu insulaire et autocratique, pratiquement une religion d'Etat, déformant le contenu des cours et le processus d'embauche des professeurs, et agissant de connivence avec une classe cajolante de gestionnaires surpayés à la mentalité aumoniere...

Actuellement, aux États-Unis, une police de la pensée bien intentionnée mais impitoyable et dont les opinions n'ont rien à envier au dogmatisme des agents de l'Inquisition espagnole, patrouille les universités de même que les médias généralistes. Nous voilà plongés dans un chaos ethique, où l'intolérance passe pour son contraire et où la tyrannie du groupe écrase la liberté individuelle.
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Nous ne pouvons accepter un féminisme qui soit hostile aux grandes oeuvres d'art et nous ne pouvons accepter un féminisme qui soit hostile à la science.

Le féminisme doit mettre fin à sa guerre des sexes, qui retarde le mûrissement des garçons comme celui des filles. Les femmes ne gagnent rien à affaiblir les hommes.

Le féminisme doit renoncer à cette rhétorique empoisonnée: il est désastreux pour les jeunes femmes de les endoctriner à penser aux hommes de cette manière négative.

Le féminisme éclairé ne peut s'ériger que si font alliance, avec circonspection, des femmes fortes et des hommes forts.


Camille Paglia


Source : https://www.facebook.com/1069168771/posts/10223175560431891/