Soutien à Rachel Khan, apodioxis et métacommunication orwellienne.
Les attaques d'une rare hypocrisie que subit en ce moment Rachel Khan suite à la promotion de son récent livre "Racée" (éditions de l'Observatoire) lèvent encore un peu plus le voile sur le fonctionnement des identitarismes, ainsi que sur leur académisation (je pense que c'est cette dimension institutionnelle des identitarismes pseudo-minoritaires que ma recherche a le plus contribué à démontrer).
Rappelons qu'elle est ciblée par la direction de l'institution publique qu'elle co-dirige, La Place , un établissement culturel public, dédié au Hip Hop.
Cet établissement a donc publié un tweet de dénigrement afin de se dissocier des positions de Rachel Khan - attaque qui se ménage le confort de l'argument d'autorité.
L'hypocrisie de ce tweet se décrypte aisément à travers la figure rhétorique de l'apodioxis: une méthode de dénigrement qui revient à disqualifier l'adversaire en le rejetant hors de la sphère du débat. C'est une figure d'écartement et de dissociation encore plus violente que l'ad personam, qui considère encore la personne - ici définitivement écartée car la proximité de la personne est comparée à une salissure. L'on pourrait la résumer ainsi: "je ne vous serre pas la main", et par conséquent "je ne débats pas avec vous".
Ce procédé se répand actuellement à vive allure dans les sphères culturelles et universitaires, en cherchant insidieusement à produire de l'infréquentabilité, par effet de halo.
Une telle méthode présente plusieurs avantages pour l'hypocrite dénonciateur. J'en citerai deux:
- Le premier est de se dédouaner d'avoir à répondre sur le fond. Cela signale en général une incompétence voire une faillite rationnelle, mais masquées par la posture de pureté - un dénominateur commun des idéologies intégristes et totalitaires - et la désignation d'un bouc émissaire. Car les arguments de Rachel Khan, qu'il s'agisse de ceux qu'elle présente dans les médias ou bien dans son livre, sont tous pondérés, nuancés, pluralistes, dialectiques, ouverts. En jetant un anathème sur la subtilité, les dénonciateurs avouent certes en creux la teneur identitaire et sectaire de leur position. Mais ils capitalisent sur la sainte triade de la séduction identitaire: la pureté, le clivage, et l'hostilité à toute forme d'altérité, sous couvert de la défendre.
- Le second bénéfice faux-jeton est de faire usage d'un procédé bien identifié par la critique orwellienne: la métacommunication. Incapable d'objecter des faits, on criminalise un sujet critique en recourant au paralogisme par association ad nauseam, en le laissant en général sous-entendre. L'implicite (énorme dans le cas de ce tweet) est en effet indispensable à la métacommunication. La rétribution, c'est de se retrouver du côté de ceux qui sont censés avoir un "temps d'avance", être des "voyants surconscients" (wokes)... mais qui en fait négligent l'analyse de bon sens du présent.
Le règne de la métacommunication est le symptôme des régimes totalitaires qui fonctionnent par allégeance et injonction à la manifestation de cette allégeance, et autoproduction de leur propre paranoïa. La métacommunication est largement employée par la propagande (elle est donc compatible avec la communication au sens publicitaire, mais pas au sens rationnel). Elle joue sur nos pulsions régressives (notre désir d'identification, de fusion dans le groupe). L'un des signes les plus évidents de cette victoire de la métacommunication (pulsionnelle, identitaire) sur la communication (informative, rationnelle, objective) est par exemple la diffusion de l'expression "faire le jeu de" dans le débat médiatique.
En conclusion, je n'achèterai plus jamais une fringue même de seconde main griffée de la publiciste Agnès b. C'est mon apodioxis de meuf. Je préfère aller nue que porter les hardes vendues par ceux qui se drapent de vertu pour calomnier leur prochain.
Bon c'est pas une grosse perte. La jupette à pois vues mille fois, ou celle avec des graffitis immondes, à 200 balles, et qui ressemble à une serpillère après deux lavages, c'est assez loin de la haute idée que je me fais de la mode, qui n'a pas grand chose à voir avec la publicité.
Isabelle BARBERIS
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