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Enquête sur LA SECTE néolibérale – Telegraph

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    Poisson CHÈVRE

    Source : https://www.marianne.net/archive/enquete-sur-la-secte-neoliberale

    Date publication : 18/08/1997

    Auteur : Jean-François KAHN

    Ce que nous voulons montrer ici est pour une part une évidence... murmurée, souvent, mais généralement informulée. Parce que la censure médiatique est trop forte. Ce constat tient en cinq assertions:

    Les néolibéraux, à la fois hypermi-noritaires et ultra-influents, constituent une véritable secte.

    Cette secte reproduit en creux, formellement au moins, le discours communiste du temps où la vulgate marxiste brillait de tous ses feux.

    Le néolibéralisme est au libéralisme véritable ce que le stalinisme fut au socialisme, à la fois sa prolongation et sa totale perversion.

    Sous les dehors de l'internationalisme (ou du mondialisme), le néolibéralisme véhicule une formidable haine de toute spécificité nationale non conforme. En clair, il déteste la France

    Cela étant dit, et comme le communisme des années 30, il charrie, au milieu d'un fatras d'erreurs, un certain nombre d'incontestables vérités.

    Précisons:

    Les néo-libéraux constituent une secte.

    D'abord, ils ont leur pro-pre dieu, qu'ils appellent «le marché». Comme toutes les divinités unitaires, celui-ci est invisible, inreprésen-table, immatériel, ineffable, omniprésent, inaccessible, intemporel et incontournable. Son ubiquité le dispute à sa transcendance. Il est à la fois le vrai, le bon, le droit et le juste. Nul ne doit, ou ne peut, se soustraire à sa volonté, car sa «main invisible» n'est que l'autre forme de la divine providence. Ses ordres, révélés à quelques prophètes, ont été gravés dans des tables de la loi et nul ne saurait, sans préjudice grave, s'en émanciper ou s'en soustraire. S'écarter de cette orthodoxie confine à l'hérésie. La seule ligne séculière possible est donc celle qui consiste à se soumettre passivement à la «loi du marché» comme métaphore de la volonté de Dieu. Toute résistance, c'est-à-dire toute tentative de correction ou de régulation, s'apparente à une rébellion que le réel (comme reflet du Ciel) sanctionne immanquablement. Au dieu Marché, les néolibéraux élèvent des temples - les Bourses des valeurs -, servis par des prêtres initiés qui seuls ont droit d'officier dans le saint des saints. Ils lui consacrent un culte, lui adressent (en anglais, leur langage liturgique) des prières et des cantiques, lui dédient un droit canon. Mais surtout, autour de lui, inspirés par lui, affirment-ils, comme poulie protéger, ils élaborent un dogme qui se veut l'armature de leur théologie. Dogme simple, simpliste même, tenant en une dizaine de credo seulement (par exemple: «Je crois que la seule raison ici-bas est celle qui s'incarne dans le libre processus de formation des prix sur un marché libre»), principes évidemment sacrés qu'ils psalmodient à satiété et dans lesquels ils s'enferment à double tour, n'acceptant jamais, sous aucun prétexte, d'en réviser la moindre parcelle.

    Tout est jugé à cette aune, interprété à cette lumière. Aucune réalité ne peut être prise en compte qui ne rentre dans ce carcan. Sur 40 faits que leur offre l'actualité, 38 infirmeraient-ils un tant soit peu leurs certitudes que les néolibéraux ne prendraient en compte que les deux faits qui restent et qui les confortent

    En fonction de quoi ils restent entre eux, devisent entre eux, dialoguent entre eux, confinés dans les lieux qu'ils contrôlent, scotchés à leur caste et ancrés à leur classe, coupés de tout ce qui, dans le monde extérieur, ne reproduit pas à l'identique leurs intimes convictions. Infirmes du réel, ils ne lisent rien, n'écoutent rien qui ne rentre totalement dans le cadre de leur rationalité. Forcément, puisque toute pensée différente est fausse par définition, une vérité unique induisant un discours unique dont ils sont les détenteurs.

    Toutes ces particularités suffiraient, à l'évidence, à en faire une secte.

    Ils ne représentent rien mais ils sont partout

    Mais il y a plus significatif encore: c'est que les néolibéraux sont ultraminoritaires (s'ils se présentaient aux élections sous leurs vraies couleurs, ils recueilleraient moins de 5% des suffrages, comme Ariette Laguiller) tout en exerçant une influence majeure grâce à leur omniprésence dans les lieux de pouvoir et de propagande. Et, en particulier, grâce à leur conquête des grands médias. Certes, il y a partout des journalistes qui récusent la nouvelle «vulgate» (Laurent Mauduit au Monde, Laurent Joffrin à Libération, Eric Zemmour au Figaro, Stéphane Paoli à France Inter. entres autres). Mais pratiquement tous les services économiques des radios, des télévisions, de la presse écrite sont, au mieux sous l'influence, au pire sous le contrôle des néolibéraux. Tous les autres courants, y compris le courant authentiquement libéral, sont, soit purement et simplement exclus, soit implacablement marginalisés.

    Quant aux centres de décision (c'est-à-dire là où siègent les «décideurs: »comme on dit), du CNPF au Conseil monétaire de la Banque de France, de l'université Dauphine à Radio Classique - y compris ceux où la gauche a ses grandes entrées -, les néolibéraux les ont systématiquement investis. D'un côté, ils se sont emparés de l'ex-Parti républicain devenu Démocratie libérale; de l'autre, ils commencent à infiltrer le courant du PS dit de la gauche «moderne». En termes démocratiques, ils ne représentent rien, mais ils sont - et en position de force - partout où se forge le destin de la France.

    Cette secte reproduit le discours communiste d'antan: ce qui précède le montre déjà éloquemment. A quoi on ajoutera le simplisme théorique (enlever partout l'Etat devient aussi miraculeux que le mettre partout); le dualisme manichéen absolu (pas de troisième voie possible); la conception purement guerrière du dialogue (le débat n'est qu'un combat); la langue de bois (toujours les mêmes mots et expressions qui s'enroulent autour des mêmes arguments de plomb); le rejet des déviationnismes et des révisionnismes; la diabolisation de la contradiction (tout ce qui n'est pas strictement néolibéral est rejeté dans l'enfer du socialisme étatiste et collectiviste); l'internationalisme comme alibi d'un ralliement à un leadership hégémonique; la conviction très stalinienne qu'une vérité unique induit une pensée unique; la fascination qu'exercent les concepts de «conquête» et de «taille critique» en justification de l'impérialisme économique et de l'ultraconcentration financière; la pratique, enfin, d'une lutte des classes à l'envers.

    Pour eux, l'exception française est une horreur absolue

    Mais, surtout, comme hier les sectateurs de l'Union soviétique, les néolibéraux ont un modèle absolu - les Etats-Unis d'Amérique - dont il convient, selon eux, non seulement d'adopter la philosophie, mais encore d'imiter scrupuleusement les méthodes et les procédés. L'Union soviétique, aux yeux des communistes, affichait sa supériorité à travers ses mirifiques taux de croissance, ses prix qui n'augmentaient jamais, ses plans quinquennaux prométhéens. Jamais, évidemment, ils ne se posaient la question du coût social et humain, ni ne s'interrogeaient sur l'indice subjectif de bonheur ni sur l'indice objectif de liberté. Les néolibéraux ne raisonnent pas autrement. Pour eux, les Etats-Unis, outre un credo et un symbole, ce sont d'abord de merveilleuses statistiques. Ils ne veulent pas savoir ce qu'il y a derrière. Quand on le leur dit, ils n'écoutent pas. Aucun d'entre eux en réalité (et on aurait pu en dire de même des communistes) n'accepterait la régression absolue que représenterait, dans de nombreux domaines, un total alignement sur le modèle américain. Mais ils font comme si.

    Que le néolibéralisme soit à la fois la prolongation et la négation du libéralisme authentique, c'est ce que nous examinons dans l'encadré page 26.

    Les néolibéraux détestent la France. C'est évidemment la conséquence de tout ce qui a été constaté plus haut. Pour eux, tout ce qui, en tant que spécificité nationale, ne s'intègre pas au modèle anglo-saxon est à éradiquer. Pour eux, l'exception française est une horreur absolue. Le New York Times publia à propos du pays de Descartes, qui n'est pour eux que celui de Dupont-la-Joie, une étude injurieuse et caricaturale. Loin de s'indigner, ils applaudirent ostensiblement. Rien de ce qui déprécie notre pays, qualifié d'étriqué, de ringard, de prétentieux, de conservateur, de replié sur ses illusions, ses tabous et ses acquis, n'est jamais à leurs yeux trop outrancier. Les insupporte surtout l'idée qu'il pourrait, lui aussi, être porteur d'un modèle. Ce qui se traduit en privé par cette phrase passe-partout qu'ils répètent à tout bout de champ: «La France est un pays de merde. »Que les Américains et les Anglais aient construit leur modèle à partir de leurs spécificités ne leur est apparemment pas venu à l'esprit.

    Reste qu'il en est du néolibéralisme comme du communisme. De même que le communisme continuait de véhiculer, au milieu d'un fatras d'absurdités, certaines des idées fortes que lui avaient léguées ses origines sociales - démocrates -, de même le néolibéralisme porte en lui - en ce qui concerne, par exemple, l'esprit d'entreprise, l'autonomie personnelle, le libre-échange, la critique des gestions bureaucratiques, ou la nécessité d'une certaine rigueur financière - quelques vérités essentielles de la pensée libérale originelle. C'est pourquoi il ne faut en aucun cas se comporter à son égard comme lui-même se comporte envers ses contradicteurs. Le critiquer, le démystifier, le contrer, oui, mais l'écouter, l'entendre, le décrypter. Nous acceptons, nous, ce débat.


    Source : https://te.legra.ph/Enqu%C3%AAte-sur-LA-SECTE-n%C3%A9olib%C3%A9rale-07-09