40 ans... L'anniversaire...
40 ans... L'anniversaire, dans ma vie, est double, et me renvoie à de beaux moments de mon existence. Il se trouve que j'avais rencontré la femme de ma vie à l'automne 1980, après une de ces réunions de juifs de gauche qui suivirent l'attentat de la rue Copernic. J'étais de ceux qui refusaient de faire semblant de croire que ce crime était l'oeuvre d'un groupe néo-nazi, et qui se demandaient donc comment lutter pour la paix alors même que les Palestiniens portaient la guerre en France, en visant une synagogue libérale. Mais, il y avait, dans la salle, une très belle fille, venue avec une amie commune, et j'avais donc mieux à faire que de passer la soirée à polémiquer avec mes camarades. En attendant de changer la vie, nous avons changé la notre, ce soir-là. Nous avons, très vite, vécu ensemble. Pour nos premières vacances, nous vîmes le premier soleil de 1981 se lever sur la mer rouge, au bout du Sinaï que les Israéliens d'apprêtaient à quitter. Quelques jours plus tard, dans une ruelle de Jérusalem, nous rencontrâmes François Mitterrand, accompagné d'une jeune femme et d'un enfant... Nous avons bavardé quelques instants, et, bien sûr, je lui ai souhaité que cette année soit enfin la bonne. J'étais persuadé que l'enfant était sa petite-fille, les femmes perçoivent plus vite certaines choses... C'était bien Mazarine, et, à cette époque, je pensai que la vie privée des hommes politiques ne regardaient qu'eux-mêmes. Je ne regrette pas d'avoir gardé le secret. De retour à Paris pour la sortie de la Momie de Lénine, j'envoyais un exemplaire à François Mitterrand. Je fus convié à une réunion discrète, rue de Solferino, où l'on parla de la stratégie vis à vis du PC, entre connaisseurs, il y avait là, entre autres, Jean Poperen et Jean Ellenstein. François Mitterrand vint saluer les invités extérieurs, en nous remerciant de notre contribution à sa campagne. Et, en effet, j'y ai participé, sans toutefois rejoindre le PS, en dépit des appels pressants de quelques amis, qui me conseillaient avec insistance de ne pas rater le coche. Mais je n'avais nulle envie de dépendre, de nouveau, de la politique, j'avais assez donné. Mon premier roman, Au chic ouvrier, avait rencontré un succès prometteur, et mon essai politique, La momie de Lénine avait une très belle presse. Donc je m'attelai à un roman, tout en collaborant à des revues et des journaux.
Ma compagne avait, quant à elle, un projet d'une autre nature, qu'elle me fit approuver... Nous fixâmes donc une échéance plus personnelle, rien moins que notre mariage, pour la fin juin. Au soir du 10 mai, à 20 heures, nous étions chez des amis, qui avaient la télé, ce dont nous nous passions alors. Mais ce soir là, évidemment.... Il y eût ce moment, cette minute de suspense, même si, ce n'était pas tout à fait une surprise pour moi, je collaborais à Paris-Match et un rédac chef , qui semblait déjà assuré du résultat m'avait appelé dans l'après-midi, pour me commander un papier sur la question des ministres communistes.
A l'annonce de l'élection de François Mitterrand, nous sommes partis à la Bastille. Ce fut une belle fête. Je ne regrette rien. Quelques jours plus tard je reçus une lettre, à l'entête du Président de la République. Un mot de François Mitterrand, me remerciant tardivement de mon livre avec quelques mots manuscrits "Que Jérusalem était belle". Rentrant à Sèvres un vendredi soir, les quais étant bouchés le long du bois de Boulogne, je fis demi-tour, pour gagner la rive gauche, par le pont de Suresnes. Une voiture de police me fit stopper, je montrais mes papiers, en glissant dans l'étui la lettre de François Mitterrand. Un policier me demanda s'il pouvait voir, bien sûr, j'acceptai, il la montra à ses collègues... Je prétendis que je me rendais à une réunion importante, en fait j'avais promis d'être à l'heure, pour le dîner sabbatique chez mes beaux-parents. Le policier me rendit mes papiers et la lettre et, considérant ma 2CV cabossé, me lança joyeusement : "On voit bien que c'est la gauche, cette fois, les copains de Giscard ne roulent pas en 2 CV !" Ce fut mon seul privilège mitterrandien, l'impunité pour un demi-tour aggravé d'un franchissement de ligne continue... Pour le reste, je crois déjà avoir beaucoup écrit, sur la gauche, ce qu'elle était et ce qu'elle est, hélas, devenue. Je ne regrette rien de ma participation aux combats de la gauche. Et je garde le souvenir de ce printemps 1981, même s'il ne reste plus grand chose de la gauche, il reste que nous nous sommes mariés, que nous avons été heureux, que nous avons des enfants et des petits-enfants. 40 ans, ce n'est pas si mal...
Source : https://m.facebook.com/story.php?story_fbid=266347218428041&id=100051582949878