Dominique Sopo - A nouveau, le conflit...
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A nouveau, le conflit israélo-palestinien, que l’on disait assoupi, s’est réveillé avec une force tragique. Rythmées par les roquettes lancées sur les villes israéliennes depuis la bande de Gaza et par les représailles de Tsahal contre l’enclave palestinienne, ces dernières heures sont celles d’une escalade sanglante.
L’escalade a en réalité commencé depuis plusieurs semaines. Ses ingrédients sont connus. D’un côté, des heurts à Jérusalem impulsés par les ratonnades pratiquées depuis avril par des groupes d’extrême-droite juifs, aggravés par la poursuite des expulsions de familles palestiniennes de Jerusalem-Est et amplifiés par la violente répression pratiquée sur l’Esplanade des Mosquées. D’un autre côté, l’inconséquence de Mahmoud Abbas annonçant fin avril le report sine die des élections législatives et poussant ainsi le Hamas – qu’il ne fallait pas beaucoup pousser - à se réfugier à nouveau dans la voie de l’action militaire envers Israël.
Les données d’un règlement possible de ce vieux conflit restent fondamentalement les mêmes : Israël doit voir sa sécurité assurée, l’Etat palestinien doit enfin voir le jour.
Pour Israël, l’illusion que les récents accords diplomatiques avec plusieurs Etats arabes vidaient la question palestinienne de toute réalité est, sinon une cécité volontaire, une tragique erreur. Tragique erreur car les Palestiniens existent et se révolteront tant qu’ils ne pourront pas prendre pleinement leur destin en main. Tragique erreur également car Israël a peut-être bien plus à craindre que la détérioration ponctuelle de sa situation sécuritaire : l’affaiblissement de ses standards démocratiques. En effet, il n’y a aucune situation dans laquelle la domination sur une population – ici les Palestiniens – n’entraîne pas inexorablement la dégradation du respect dû à chacun de ses membres. Ces dernières semaines et sans même m’attarder sur les progrès électoraux de l’extrême-droite aux élections à la Knesset, le racisme antiarabe en actes à Jérusalem en est l’un des mutiples signes, tout autant que la faible réprobation qu’il a soulevée, là où une situation analogue aurait naguère soulevé des tempêtes de protestations venues du puissant « camp de la paix » qui irriguait alors la société israélienne.
Pour la partie palestinienne, la nature cacochyme d’un pouvoir sans autre perspective décelable que sa survie, la réalité de la corruption, le désastre de l’émiettement de la vie politique et l’irresponsabilité des surenchères verbales et militaires du Hamas rendent à ce stade impossible une négociation politique digne de ce nom avec Israël, ce qui tombe bien puisque Netanyahu fait peu mystère de ne pas en vouloir. Le Fatah et le Hamas ont beau jeu de se renvoyer la responsabilité de l’embourbement du projet national palestinien. Mais la réalité est que cet embourbement apparaît, pour la part qui relève de la partie palestinienne, comme leur œuvre collective.
Sur cette scène proche-orientale, les deux parties en conflit se comportent en acteurs qui ne veulent pas d’issue négociée. Israël a vaincu les Palestiniens mais ne sait pas quoi faire de sa force que Netanyahu – par cynisme, par idéologie ou par médiocrité - l’a convaincu de ne pas convertir en paix. Notamment sous l’impulsion de la surenchère du Hamas, la partie palestinienne – par aveuglement idéologique ou par médiocrité - tient un discours illusoire sur la réalité de ses marges de manœuvre, contribuant à priver les Palestiniens d’un Etat et à en enfermer une partie dans le rêve de la restauration d’une Palestine entièrement sous leur administration.
Evidemment, toutes les personnes extérieures à la scène de cette impasse tragique devraient œuvrer à la paix, notamment en France. Il est dommageable qu’elles ne se comportent pas systématiquement ainsi, comme le montrent trop de posts, tweets ou publications.
Pour ma part, je reste fidèle à quelques principes :
- rappeler que la paix est possible et qu’elle est la seule voie souhaitable
- dénoncer le racisme et l’antisémitisme qui peuvent sévir au Proche-Orient
- essayer de rappeler la complexité d’un conflit dans lequel les explications simplifiées visent systématiquement à démoniser l’une des deux parties
- me méfier de celles et ceux qui ferment les yeux sur l’existence du racisme antiarabe et le renforcement de l’extrême-droite en Israël qui contribuent pourtant à la situation actuelle, qui se caractérise également par des émeutes chez les Arabes israéliens
- me méfier de celles et ceux qui ne soutiennent les Arabes et les musulmans que pour dire leur haine des Juifs.
Source : https://m.facebook.com/story.php?story_fbid=3653435194760853&id=100002832243178