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Signet Loupe

«Le plus probable, à mon sens, est qu’Emmanuel Macron se trouve contraint à la démission»

Malgré un alignement à droite entre la Justice et l’Intérieur qui rejoint une majorité de Français, le gouvernement Bayrou est déjà plus fragile que le
précédent, constate le politologue *.

LE FIGARO. - Faute d’incarner le large rassemblement que le locataire de Matignon appelait de ses vœux, le gouvernement Bayrou donne plutôt l’impression d’un grand recyclage du macronisme. Bien qu’il semble avoir gagné en épaisseur par rapport au précédent - deux anciens premiers ministres de retour, notamment - est-ce un échec pour le centriste ?

STÉPHANE ROZÈS. - Le gouvernement de François Bayrou s’inscrit dans une situation politique inédite et impossible. Dès que fut connue la physionomie de l’Assemblée nationale en juillet dernier, les analystes avertis savaient la France ingouvernable. La Chambre basse résultait d’un « front républicain » anti-RN. Mais sitôt élus, les députés de ce Front ont fait comme s’ils étaient mandataires d’un programme. Les rapports de force aux trois tiers n’ont pas bougé. Le gouvernement Barnier fut censuré parce que son chef n’a pas réussi à trouver le plus petit dénominateur commun sur le budget.
Quant au nouveau gouvernement, il ne bénéficie pas de la mansuétude de l’opinion. Selon un sondage Ifop, 66% des interrogés sont mécontents d’avoir François Bayrou aux manettes. Surtout, la composition de son équipe ne convainc pas les socialistes, sans ancrer l’appui des LR qui, passant de douze à sept ministres, se sentent moins bien représentés. Le RN, lui, reste en embuscade. Les personnalités ont prévalu sur la vision et les projets. Pour gouverner, il faut être soutenu. De ce point de vue, le gouvernement Bayrou, s’il est plus expérimenté, est encore plus fragile que le précédent.
Avec Gérald Darmanin et Bruno Retailleau, le tandem Justice-Intérieur retrouve la cohérence qui lui a tant manqué ces dernières années. Une bonne nouvelle pour la droite ?
Effectivement, cet alignement idéologique entre les places Beauvau et Vendôme est nouveau si l’on examine les dernières décennies. Habituellement, la personnalité du garde des Sceaux vise à contrebalancer
celle du titulaire de l’Intérieur. Cette volonté affichée de cohérence rejoint le souhait d’une majorité de Français. Le pays demande un retour de l’autorité en matière régalienne, mais aussi économique et sociale. Quant à savoir si ces deux-là, issus historiquement de la même famille politique, sauront ménager leurs ego et leurs ambitions respectives, ils sont assez responsables et la situation de la France, suffisamment grave pour qu’ils fassent passer l’intérêt général avant leurs intérêts de présidentiables.

Les Outre-mer acquièrent le rang de ministère d’État, occupé par Manuel Valls, troisième dans l’ordre protocolaire. Quel signal envoie-t-on, alors que Mayotte vient de subir une catastrophe humanitaire d’ampleur ?
Les Mahorais ne peuvent que prendre positivement cet affichage symbolique, lequel, toutefois, ne résulte pas tant du drame qu’ils viennent de subir que d’un souci pour François Bayrou d’instituer ministre d’État un ancien premier ministre. C’est également le cas pour Élisabeth Borne à l’Éducation nationale. S’il n’est pas dit que Manuel Valls dispose du luxe de pouvoir agir dans la durée, on peut au moins lui faire crédit de son volontarisme et de son savoir- faire afin de mettre tous les moyens de l’État au service de Mayotte et de ses habitants.

Il ne faudrait pas oublier le dossier calédonien, qui n’est pas moins préoccupant sur le plan institutionnel. Là encore, rappelons que Manuel Valls est un ancien rocardien, susceptible de raviver l’esprit de conciliation qui prévalait par le passé. D’une manière plus générale, la France, dans l’état d’affaissement qu’elle connaît depuis trente ans, voit ces territoires ultramarins gravement touchés. La tâche est gigantesque.
La gauche dénonce un élargissement en trompe-l’œil, à travers Manuel Valls, François Rebsamen, Juliette Méadel, trois anciens socialistes ralliés depuis 2022, voire 2017, à Emmanuel Macron. Un accord de non-censure avec les socialistes vous paraît-il crédible d’ici à la déclaration de politique générale, le 14 janvier ?
Le risque de censure n’a en rien été levé par François Bayrou. Du fait de leur profil et de leur trajectoire, ces quelques noms provenant de la gauche n’ont pas de quoi lever les réticences d’un PS soumis à la pression d’accords électoraux en vue des municipales de 2026, exercée par LFI. Une motion de censure pourrait être déposée dès la mi-janvier, après la déclaration de politique générale, ou un peu plus tard à l’occasion des discussions sur le budget.

L’éternel et inextricable enjeu sera de dégager des recettes tout en réduisant les dépenses. Côté recettes, les classes moyennes et populaires ne peuvent payer davantage d’impôts quand elles ont déjà du mal à boucler les fins de mois. Côté dépenses, les Français ne sont pas prêts à rogner des prestations, notamment en matière de santé, dans un contexte où les services publics sont terriblement affaiblis. Si le gouvernement survit à cette séquence périlleuse, le blocage lui imposera de toute façon une forme d’inactivité législative. Or l’état du pays, pas plus que la conjoncture internationale, n’autorisent la paralysie.

En filigrane, la menace d’une censure ne vise-t-elle pas Emmanuel Macron davantage que François Bayrou ?
Le plus probable, à mon sens, est qu’Emmanuel Macron se trouve contraint à la démission par la situation du pays, les marchés, la classe dirigeante et l’UE. On se dirigera alors vers une présidentielle anticipée avant 2027, avec des élections législatives dans la foulée comme permis par la jurisprudence du Conseil constitutionnel, selon son ancien secrétaire général, Jean-Éric Schoettl, et nombre de constitutionnalistes.

On aurait alors une concordance entre la représentation nationale et le pays. Cette solution permettrait à la France de limiter son affaissement vertigineux.

Car revenons aux fondamentaux. La situation actuelle, issue de la dissolution, découle politiquement du fait que la dernière présidentielle s’est déroulée sous l’empire de la peur : peur de la guerre en Ukraine, peur du Covid. Il n’y eut pas en réalité de contrat entre le peuple et chef de l’État réélu, ce qui aurait sans doute abouti pour son camp à une majorité absolue, stable. La déroute de Renaissance aux européennes, puis la dissolution, ne furent que les conséquences en cascade de ce péché originel.

On ne voit guère d’autre option pour sortir de l’ornière que la France redevienne maître de son destin, renoue avec sa souveraineté. La crise budgétaire dont nous parlions n’est que l’effet d’un empilage de dysfonctionnements. L’ancien patron de la Caisse des dépôts nommé à Bercy, Éric Lombard, ne pourra faire mieux que d’appliquer les grands choix pris ailleurs. Le malheur français vient structurellement de ce que depuis trente ans, nos dirigeants ne gouvernent pas, ils gèrent et communiquent. Les grandes orientations émanent de l’Union européenne, selon une logique contraire à l’imaginaire et à l’intérêt nationaux.


Source : https://www.lefigaro.fr/vox/politique/le-plus-probable-a-mon-sens-est-qu-emmanuel-macron-se-trouve-contraint-a-la-demission-20241224