"La stratégie d'Emmanuel Macron fait de lui le fossoyeur de la communauté nationale"
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Le quinquennat d’Emmanuel Macron aura été celui de la fracture, de la division, du morcellement de la France et des Français. En renvoyant systématiquement ses opposants aux extrêmes, en cristallisant la colère et la rancœur des classes rurales et populaires, en opposant les Français les uns aux autres, la stratégie du président sortant est claire.
Il veut polariser l’électorat entre lui, le camp de « la raison » et « les extrêmes ». Il souhaite ainsi faire barrage aux Républicains et s’assurer de la victoire en cas de deuxième tour avec Marine Le Pen ou Éric Zemmour. Cette stratégie électoraliste est aussi dangereuse que cynique. Elle est en tout cas indigne d’un chef d’État.
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Pour fracturer l’électorat, tous les moyens sont bons : Emmanuel Macron utilise une rhétorique cinglante et raillante à l’égard des anti-passe ou des gilets jaunes. Il exclut les non-vaccinés par le biais de mesures sanitaires et de passes toujours plus restrictifs. Il recourt à des méthodes de maintien de l’ordre brutales pour inciter les manifestants à la violence. Il pénalise les classes moyennes et populaires sous couvert d’une fiscalité soi-disant écologique. Il exaspère les automobilistes, c’est-à-dire, principalement, les Français ruraux, avec les 80 km/h. Il appauvrit les plus pauvres par la baisse des APL [aide pour le logement] et des allocations de chômage. À l’inverse, il multiplie les cadeaux aux plus aisés : suppression de l’ISF [impôt de solidarité sur la fortune], prélèvement forfaitaire unique, chute de l’impôt sur les sociétés.
« Au terme du quinquennat d’Emmanuel Macron, jamais la France n’a été aussi divisée, aussi morcelée, aussi électrique. »
Finalement, le constat est implacable : depuis 2017, si les grands gagnants du quinquennat Macron sont les 1 % les plus riches, dont le pouvoir d'achat a progressé de 2,8 %. Les grands perdants sont les 5 % les plus pauvres, dont le niveau de vie a reculé le 0,5 %, selon une étude de l’Institut des politiques publiques du 16 novembre dernier. Les conséquences politiques sont claires : Emmanuel Macron veut tirer de l’abstention un électorat défavorisé, marginalisé, qui vit hors des grandes mégapoles, pour qu’il aille voter Marine Le Pen. La candidate du Rassemblement national a d’ailleurs bien compris la logique, et exploite au mieux ce potentiel électoral par un programme économique interventionniste et social.
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Emmanuel Macron mise sur la colère, sur l’exaspération, sur le désespoir pour favoriser le vote en faveur de candidats dits « populistes ». À cet égard, Éric Zemmour, qui divise cet électorat, est une épine dans son pied. La dynamique Pécresse qui s’est enclenchée à la suite de la primaire de la droite assombrit encore plus les perspectives du président. Alors que sa réélection est désormais compromise, il s’enfonce tête baissée dans sa stratégie de division des Français et de clivage de l’électorat. En affirmant avoir « très envie d’emmerder » les non-vaccinés « jusqu’au bout », le président a porté sa rhétorique à un niveau de mépris et d’agressivité inédit.
Au terme du quinquennat d’Emmanuel Macron, jamais la France n’a été aussi divisée, aussi morcelée, aussi électrique. La communauté nationale est atomisée, rongée le ressentiment envers un pouvoir qui s’autoproclame « camp de la raison » (Clément Beaune), tandis que ses opposants seraient des populistes. Il règne en France un climat de défiance et de haine qui est le résultat de cinq ans de mépris envers les ruraux, les non-vaccinés, les classes populaires.
« Incapable de s’adresser correctement aux Français, voilà que le président s’égare en vulgarité et en division. »
Emmanuel Macron aura tout d’abord cristallisé la rancœur des ruraux. Alors que son quinquennat est un désastre écologique, qu’aucune proposition structurante de la convention citoyenne pour le climat n’a été retenue dans la loi Climat et résilience de juillet 2021, qu’il a attendu l’année des élections pour annoncer une relance (modeste) de la filière nucléaire, Emmanuel Macron n’aura pas tardé à pénaliser les ruraux par la hausse de la fiscalité des carburants (juste après avoir retiré l’ISF, alors que ce sont bien les plus aisés qui polluent le plus).
Les manifestations des gilets jaunes qui ont suivi auront été l’occasion pour le pouvoir de consolider cette stratégie de polarisation de la société française. Emmanuel Macron n’aura pas hésité à traiter les gilets jaunes de « foule haineuse ». Ce mépris s’est également manifesté par les méthodes de maintien de l’ordre employées, avec la technique controversée de la nasse, l’usage déraisonné des LBD [lanceur de balles de défense] par des unités non formées au maintien de l’ordre (comme les BAC ou les compagnies de sécurisation et d’intervention) ou encore l’emploi des brigades de répression des actions violentes motorisées (unités de motocyclistes créées en 2019 par le préfet Didier Lallement lors des manifestations des gilets jaunes), critiquées pour la brutalité de leurs interpellations.
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Dès le début de la pandémie, le gouvernement a adopté une rhétorique infantilisante en faisant de la « pédagogie » aux Français qui se montraient réticents aux mesures de confinement. La stigmatisation atteint son comble avec les « antivax ». Déjà, en juillet dernier, le porte-parole du gouvernement Gabriel Attal épinglait les Français « capricieux » et « défaitistes » qui manifestaient contre le passe sanitaire. Le chef de l’État ne s’est pas non plus privé de jouer avec le feu des antivax, en les accusant de « créer un désordre permanent ». Hier, la « pédagogie » infantilisante s’est mue en « emmerdement », en grossièreté, en ostracisation. Incapable de s’adresser correctement aux Français, voilà que le président s’égare en vulgarité et en division.
Un président de la République devrait unir les Français. En mettant toute opposition dans le même bloc « populiste-nationaliste », Emmanuel Macron fait exactement le contraire. Cette stratégie cynique fait du chef de l’État le fossoyeur de la communauté nationale. Avec Emmanuel Macron, il y a, plus que jamais, « les gens qui réussissent et les gens qui ne sont rien ». La boucle du mépris est bouclée.
Source : https://www.marianne.net/agora/tribunes-libres/paul-melun-la-strategie-demmanuel-macron-fait-de-lui-le-fossoyeur-de-la-communaute-nationale?utm_term=Autofeed&utm_medium=Social&utm_source=Facebook&Echobox=1641500116#xtor=CS2-4