Layout Options

  • Fixed Header
    Makes the header top fixed, always visible!
  • Fixed Sidebar
    Makes the sidebar left fixed, always visible!
  • Fixed Footer
    Makes the app footer bottom fixed, always visible!

Header Options

  • Choose Color Scheme

Sidebar Options

  • Choose Color Scheme

Main Content Options

  • Page Section Tabs
Signet Loupe

«La stratégie du bouc émissaire n'a rien à voir avec la science»

     

    Catégories: France

    FIGAROVOX/TRIBUNE - En déclarant vouloir «emmerder» les non-vaccinés, Emmanuel Macron a désigné un bouc émissaire estiment les universitaires Danièle Dehouve et Christophe Lemardelé. Ils y voient un mécanisme anthropologique, qui devient politique dans la gestion de la crise sanitaire.

    Danièle Dehouve est anthropologue, spécialiste des rituels religieux de Méso-Amérique.

    Christophe Lemardelé est historien des religions, spécialiste des sacrifices dans l'Antiquité méditerranéenne.

    Dans une tribune parue le 1er décembre 2021, nous rappelions que le phénomène du bouc émissaire est un mécanisme anthropologique, c'est-à-dire présent dans toutes les sociétés humaines, qui a été mis en évidence depuis la fin du XIXe siècle, par des chercheurs appartenant à divers horizons et disciplines de sciences humaines. Ce mécanisme s'installe plus ou moins consciemment si nous n'y prenons garde, quelle que soit la société, même dans des sociétés démocratiques qui pensent avoir pour représentation du monde des conceptions fondées sur les sciences.

    Nous écrivions que la désignation des non vaccinés comme responsables de l'épidémie et leur mise à l'écart d'une vie quotidienne normale relevait de ce mécanisme et que nous nous inquiétions «de voir surgir à nouveau ces logiques d'accusation, de harcèlement, d'exclusion comme si le savoir scientifique et universitaire n'était qu'un divertissement de colloques».

    Le passe sanitaire a commencé à créer une catégorie de citoyens de seconde zone.

    Danièle Dehouve et Christophe Lemardelé

    Lorsque la société se pense attaquée par un ennemi extérieur – ici le virus personnifié comme un être pervers contre lequel on est en guerre – existe la nécessité inconsciente collective de trouver un ennemi intérieur. Cette catégorie est toujours construite. Ce doit être une entité, considérée comme un groupe au fonctionnement solidaire. La catégorie des «antivax» créée une vingtaine d'années auparavant pour stigmatiser les personnes qui posaient des questions concernant les vaccins, notamment la présence d'adjuvants à l'aluminium, a été réactivée. Et le passe sanitaire a commencé à créer une catégorie de citoyens de seconde zone.

    Mais la déclaration d'Emmanuel Macron dans le Parisien, le 5 janvier 2022, a tout changé. Désormais le mécanisme du bouc émissaire n'est plus un phénomène social, avec lequel l'État jouerait dangereusement. Pour la première fois depuis longtemps, et du sein même de la démocratie française, l'autorité la plus haute de l'État revendique le mécanisme du bouc émissaire comme mode de gouvernement. «Les non-vaccinés, j'ai très envie de les emmerder. Et donc on va continuer de le faire, jusqu'au bout, c'est ça la stratégie (…) Quand ma liberté vient menacer celle des autres, je deviens un irresponsable. Un irresponsable n'est plus un citoyen». Cette partie de la population que l'on prive de ses droits les plus élémentaires – et dont on questionne même son droit à la citoyenneté – n'a rien fait d'illégal, puisque le vaccin n'est pas obligatoire. Elle ne constitue pas non plus une catégorie bien définie, mais fluctuante – puisque le vacciné d'aujourd'hui peut devenir le non vacciné de demain s'il cesse pour des raisons diverses de recevoir de nouvelles injections à répétition.

    Il ne s'agit pas d'une stratégie sanitaire visant à contrôler la propagation du virus. Cette désignation sans précédent d'un « faux coupable » est politique.

    Danièle Dehouve et Christophe Lemardelé

    Nous écrivions que le problème des «logiques d'accusation» est qu'elles relèvent de mécanismes anthropologiques qui n'ont rien à voir avec la science. Chaque jour qui passe confirme que ce ne sont pas les non vaccinés qui propagent l'épidémie. Dans tous les pays, il est reconnu que le vaccin n'empêche ni de contracter le virus, ni de le propager. Il ne s'agit donc pas d'une stratégie sanitaire visant à contrôler la propagation du virus. Cette désignation sans précédent d'un «faux coupable» est politique.

    La déclaration, écrite, réfléchie, d'Emmanuel Macron, arrive à un moment précis. Elle a été précédée de la parution d'une tribune de médecins mettant en question la réanimation des non vaccinés. À leur façon et dans leur sphère d'action, ces médecins ont appliqué la stratégie du bouc émissaire. Il en est résulté cette déclaration inouïe, contraire à tous les principes de la médecine depuis toujours, qui sont transcrits dans le serment d'Hippocrate. Si le Conseil de l'Ordre des médecins ne réagit pas et que le refus des soins à une partie de la population en vient à se banaliser, la médecine elle-même change de nature.

    À lire aussiMacron et les non-vaccinés: «Malaise démocratique»

    Après l'application de la stratégie du bouc émissaire à la médecine, la déclaration du président l'institue dans la sphère politique, comme mode de gouvernement, au moment même où la loi de transformation du passe sanitaire en passe vaccinal est en examen au Parlement. Lorsque le président écrit «on va continuer de le faire, jusqu'au bout, c'est ça la stratégie» il met tous ces événements en contexte, il revendique la désignation du bouc émissaire comme stratégie globale, à mener aujourd'hui en France. Aussi, la loi du passe vaccinal que les élus viennent de voter ne peut être dissociée de cette stratégie globale. Le contexte du vote a changé. Voter pour cette loi est revenu à accepter de fait la désignation de boucs émissaires comme mode de gouvernement, ce qui est totalement contraire à tous les principes de la République et de la démocratie.


    Source : https://www.lefigaro.fr/vox/politique/la-strategie-du-bouc-emissaire-n-a-rien-a-voir-avec-la-science-20220106