Il n'y a rien de plus urgent, de plus grave, de plus crucial que de savoir si Depardieu est un "gros con", un "gros porc"... ou un violeur. Les deux premiers qualificatifs ne sont pas punissables par la justice - s'il fallait mettre tous les gros porcs et des gros cons en prison, on n'en finirait jamais... Seul le troisième qualificatif est un crime, et le jugement des crimes dans un État de droit n'est pas du ressort des assemblées de lyncheurs, mais des tribunaux. Comme je ne fréquente pas Depardieu, ni toutes les belles gens qui se sont manifestées d'un côté ou de l'autre dans cette affaire, qu'il soit un gros con ou un gros porc, cela m'est parfaitement égal. Pour le reste, voir la justice qui, me semble-t-il, est saisie.
Ce que révèle cette affaire:
1) deux poids, deux mesures. Parmi les anti-Depardieu, on trouve, mais pas qu'eux, des défenseurs des "courageux résistants du Hamas" qui se sont courageusement manifestés par des viols de masse et imposent chez eux la charia (sûrement une bonne manière de lutter contre le patriarcat ?). Parmi les dénonciateurs du gros porc", une bonne partie de ceux qui ont porté aux nues un type médiocre, le nommé Ladj Ly, inculpé pour sa participation à un "crime d'honneur" (il est condamné pour enlèvement et séquestration, dans une affaire qui est, en fait, une tentative de meurtre... ) Mais Ladj Ly fait partie de la catégorie "petits anges" et non de celle des "gros porcs". Dans la même catégorie "deux poids, deux mesures", de notoires défenseurs et pratiquants de la pédophilie n'ont jamais été inquiétés et plus personne ne parle de M. Duhamel (qui ne devait pas être un "gros porc"). Etc. Donc pourquoi Depardieu, aujourd'hui, lui dont l'inconduite est notoire depuis très longtemps.
2) Aujourd'hui, on adore la grossièreté, la vulgarité, l'humour (sic) scatologique mis en spectacle. Je ne citerai pas de nom pour ne pas me faire encore plus d'ennemis. Pourquoi la retenue, le sens des convenances, la simple politesse, la courtoisie, la galanterie disparaissent-ils de nos conduites quotidiennes ? Haïr Depardieu, c'est se dédouaner à bon marché, sur le dos du baudet, comme dans la fable de la Fontaine, de cette évolution des mœurs que tous chérissent par ailleurs. L'affaire Depardieu, ce n'est rien d'autre qu'une variante sur le thème "Les animaux malades de la peste".
3) La présomption d'innocence ne vaut plus que pour le ministre de la justice, coupable à l'insu de son plein gré et donc innocenté. Mais le gugusse que les tribunaux médiatiques désignent doit être exécuté sans autre forme de procès. Il y a quelques années, une philosophe (sic) féministe avait déclaré qu'en matière de violences et crimes dont les femmes sont les victimes, il fallait inverser la charge de la preuve et donc l'homme mis en cause est donc présumé coupable jusqu'à ce qu'il ait réussi à prouver son innocence... Les tribunaux populaires à la sauce maoïste des années 1970 se portent bien. L'idéologie a changé et chacun peut jouir tranquillement de sa puissance dans le maniement du fouet symbolique. Compensation de toutes les frustrations que nous subissons dans ce monde de plus en plus surveillé, contrôlé, policé et de plus en plus soumis aux "brigades des mœurs" façon Téhéran
4) Propre au monde de la connexion généralisée, l'abolition entre le public et le privé et entre le commun et l'intime. Si on faisait le compte des artistes qui furent de "gros cons" et de "gros porcs" dans l'intimité, on viderait fissa les musées et les bibliothèques. Pourquoi ne pas interdire Sade? Et André Gide? etc.
Toute cette histoire pue la mort. La mort d'une civilisation à laquelle en toute bonne foi les "braves gens" apportent leur concours.