Le concept de la 'Tenaille identitaire', legs utile de Laurent Bouvet
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Oui, celui de la tenaille identitaire. Depuis les attentats de 2015 qui l’ont amené à créer le Printemps Républicain, cette organisation et ses membres les plus médiatiques ont souvent ferraillé sur les réseaux sociaux. S’en sont suivies des prises de position à l’emporte-pièce pour répondre aux outrances dans un débat souvent réducteur. Pourtant la réflexion de Laurent Bouvet recèle des idées sophistiquées pour réaffirmer l’originalité de l’identité de la France (pour parler comme Fernand Braudel) et non pas de l’identité française (pour parler comme Charles Maurras). Et parmi ces idées, il y a la tenaille identitaire. Un instrument rhétorique qui figure le piège tendu à l’universalisme. Alors que la laïcité est attaquée par l’islamisme politique et par le terrorisme, en miroir s’est développé (on en voit la manifestation avec l’actuel succès d’Éric Zemmour) un indentitarisme français, culturel et enraciné qui se résume par la formule codée et limpide à la fois…vive la République et surtout vive la France ! par laquelle Zemmour conclut ses discours. La voilà la tenaille identitaire. D’un côté l’affirmation agressive d’une identité islamiste et de l’autre une défense de l’identité française selon des critères bien peu républicains.
Pourquoi les positions de Laurent Bouvet étaient-elle si clivantes, même à gauche ?
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Parce qu’il avait mis du même côté de la mâchoire de la tenaille les islamistes et une partie de la gauche qui trouve des excuses à l’Islam politique et importe les théories américaines communautaristes. Bouvet qui refusait le déterminisme, l’enfermement ethnique ou religieux et croyait aux vertus du métissage, reprochait à cet antiracisme d’assigner chaque victime à sa religion, sa couleur. Mais sa façon de voir était plus fine que l’opposition entre universalisme à la française et communautarisme américain. Il y avait aussi (ce qui l’ancrait à gauche) la critique d’un capitalisme qui avait créé un vide politique et spirituel, l’avoir avait remplacé l’être. Le repli identitaire est la réponse la plus courante à ce manque. Or, soit l’identité correspond simplement et pour toujours à nos racines ethniques et religieuses et alors on y est tanké et c’est la guerre assurée, soit c’est une construction politique, comme le prétend la France Républicaine depuis 1789. On ne se définirait plus assez par ce que l’on pense, par ses choix de vie, politiques, syndicaux, et trop par sa couleur, sa religion, ses origines. Les dents du bas de la mâchoire, c’est Tariq Ramadan et ceux qui nient le niveau de l’emprise islamiste dans certains quartiers, les dents du haut c’est Eric Zemmour et ceux qui voient de l’islamisme partout. On peut extrapoler et utiliser l’outil de la tenaille identitaire, au-delà même de ce que souhaitait Laurent Bouvet. Dents du bas : l’accusation d’islamophobie. Dents du haut : l’accusation d’islamogauchisme ; dents du bas : la cancel culture, dents du haut : l’arrogance boomer. La République et ses valeurs (la laïcité) se sont laissées enserrer dans la tenaille. De n’avoir pas tenu ses promesses d’émancipation ou de lutte contre les discriminations, ou alors de n’avoir simplement pas su se défendre ? Les deux, répondait Bouvet.
Source : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-edito-politique/l-edito-politique-du-mercredi-22-decembre-2021-6551012