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Signet Loupe

L'école selon Marcel PAGNOL

     

    Catégories: France

    "Les écoles normales primaires
    étaient à cette époque de vérita-
    bles séminaires, mais l'étude de la
    théologie y était remplacée par des
    cours d'anticléricalisme.
    On laissait entendre à ces jeunes
    gens que l'Église n'avait jamais été
    rien d'autre qu'un instrument d'op-
    pression, et que le but et la tâche
    des prêtres, c'était de nouer sur les
    yeux du peuple le noir bandeau de
    l'ignorance, tout en lui chantant des
    fables, infernales ou paradisiaques
    La mauvaise foi des "curés" était
    d'ailleurs prouvée par l'usage du
    latin, langue mystérieuse, et qui
    avait, pour les fidèles ignorants, la
    vertu perfide des formules magi-
    ques. La Papauté était dignement
    représentée par les deux Borgia, et
    les rois n'étaient pas mieux traités
    que les papes : ces tyrans
    libidineux ne s'occupaient guère
    que de leurs concubines quand ils
    ne jouaient pas au bilboquet ;
    pendant ce temps, leurs "suppôts"
    percevaient des impôts écrasants,
    qui atteignaient jusqu'à dix pour
    cent des revenus de la nation.
    C'est-à-dire que les cours d'histoire
    étaient élégamment truqués dans
    le sens de la vérité républicaine.
    Je n'en fais pas grief à la
    République : tous les manuels
    d'histoire du monde n'ont jamais
    été que des livrets de propagande
    au service des gouvernements.
    Les normaliens frais émoulus
    étaient donc persuadés que la
    grande révolution avait été une
    époque idyllique, l'âge d'or de la
    générosité, et de la fraternité
    poussée jusqu'à la tendresse : en
    somme une explosion de bonté.
    Je ne sais pas comment on avait
    pu leur exposer - sans attirer leur
    attention - que ces anges laïques,
    après vingt mille assassinats
    suivis de vol, s'étaient entre-
    guillotinés eux-mêmes.
    Il est vrai, d'autre part, que le curé
    de mon village, qui était fort intel-
    ligent, et d'une charité que rien ne
    rebutait, considérait la Sainte
    Inquisition comme une sorte de
    Conseil de Famille : il disait que si
    les prêtres avaient brûlé tant de
    Juifs et de savants, ils l'avaient
    fait les larmes aux yeux, et pour
    leur assurer une place au Paradis.
    Telle est la faiblesse de notre
    raison : elle ne sert le plus souvent
    qu'à justifier nos croyances."

    Marcel Pagnol
    La gloire de mon père.


    Source :